http://www.sudouest.com:80/gironde/actualite/bordeaux/article/421509/mil/3647509.html
Une équipe est venue secourir la tortue cistude, très répandue jusqu'aux années 70. Sa mission de 5 années s'achève
Les marais du nord de Bordeaux étaient son univers. Les bulldozers n'en avaient pas encore fait « Bordeaux-Lac », un grand aménagement comme on les aimait dans les années 60-70.
Bordeaux-Lac fête ses 40 ans et la petite tortue cistude a failli y laisser sa carapace. L'assèchement des marais bordelais n'aurait pas été le seul fautif : pesticides sur les terres agricoles (de plus en plus rares autour de Bordeaux), urbanisation effrénée, assèchement des cours d'eau et canalisation de ceux qui restent, introduction d'espèces envahissantes (tortues de Floride et écrevisses de Californie) se liguaient pour lui rendre la vie dure.
Au moulin du Haillan
Dans cet enfer pour tortue - elle n'avait guère été dérangée depuis les temps préhistoriques - est apparue, en 1995, l'association Cistude Nature. Un nom qui ne fait pas de mystères sur ses intentions.
Cistude nature s'installe sur le site du moulin du Moulinat, au Haillan, un espace depuis longtemps protégé. Moins pour ses nids de tortues que pour ses sources de qualité, qui alimentent l'agglomération bordelaise.
Les missions de Cistude nature ne se résument pas à la protection de la tortue (voir ci-contre). Mais dans ce cadre-là elle lance, en 2004, sur une durée de 5 ans, un « programme pour réunir les connaissances nécessaires à la conservation de la cistude d'Europe (1) ».
Le travail est aujourd'hui achevé. Le temps est la rédaction d'un document destiné à tous ceux qui fréquentent les zones humides : chasseurs, pêcheurs, promeneurs, mais aussi aux aménageurs et municipalités. Ce document sera disponible sur Internet pour atteindre tout le monde.
Le spécialiste de la cistude est Christophe Coïc, naturaliste, et directeur de Cistude nature. Outre tout l'intérêt qu'il porte à la tortue, il pilote avec une équipe de six personnes des programmes régionaux de conservation de reptiles et d'amphibiens.
Avec chasseurs et pêcheurs
« Nous avons commencé par établir une cartographie de la cistude d'Europe. Puis nous avons eu la confirmation, en Aquitaine, qu'elle vivait le long du littoral dunaire et dans les zones humides », commente Christophe Coïc.
« Et contrairement à d'autres associations de protection de la nature, nous n'avons pas été en conflit avec les chasseurs et les pêcheurs. Nous avons pu établir une collaboration. »
La tortue n'étant pas une espèce « chassable », il n'y eut pas de conflit d'intérêt. Quant à la protection des zones humides, elle intéresse autant les chasseurs à la tonne que les protecteurs de l'environnement.
25 tortues sont alors équipées d'émetteurs sur 14 sites, suivies dans leurs déplacements et leurs habitudes durant 4 ans. Près de 2 000 autres ont été marquées.
Impossible de dire combien il reste de cistudes en Europe, ni en Aquitaine.
Tout au plus sait-on qu'environ « 1 200 présences » ont été repérées dans la région. Avec une forte représentation aux marais du Logis au Verdon, où sont recensées 600 tortues. Le site du Moulinat en compte 80.
(1) Le programme a été conduit avec le concours du Conseil général, de l'État, de l'Europe et de l'agence de l'eau.